Alexis Millardet, le sauveur des vignes européennes

by Jan 21, 2020Culture, Histoire

Pierre-Marie Alexis Millardet est connu de tous les jardiniers et de tous les viticulteurs. Ce botaniste du XIXe siècle a marqué la vigne en créant la bouillie bordelaise.

Mot de l’auteure : C’est par l’observation qu’Alexis Millardet a pu mettre en place un traitement efficace pour protéger les vignes. C’est grâce à ses balades qu’il a mis au point un mélange qui a traversé les âges pour être encore employé aujourd’hui. L’aventure de ce botaniste dit une chose à l’amateur de vin : regarde autour de toi, explore, découvre, perd toi, trompe-toi, déguste et aime.

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by Part de l'Ange | portrait des personnes qui ont marqué l'histoire du vin

Alexis Millardet le sauveur des vignobles européennes

Alexis Millardet est un botaniste dont le nom est assez méconnu. Pourtant il est l’inventeur d’un mélange que chaque jardinier du dimanche recommandera et que de nombreux vignerons utilisent encore aujourd’hui.

En effet, Alexis Millardet est l’inventeur de la bouillie bordelaise. Il s’agit d’un fongicide qui assure à la vigne une résistance accrue aux maladies. Il a également contribué à la survie de la vigne alors que les vignobles de France étaient ravagés par le phylloxera. Ces deux innovations ont longtemps été des incontournables. Sur tous les plans le XIXe siècle est une période charnière, forte de ses innovations : la botanique ne fait pas exception.

C’est avec beaucoup de passion et de patience qu’Alexis Millardet a marqué en profondeur le monde du vin. Découvrons le parcours de cet homme discret et plein d’enseignements.

La naissance rapide de la passion d’Alexis Millardet pour la botanique

Né en 1838 à Montmirey-la-ville, dans le jura, le jeune Alexis Millardet se passionne pour la science du vivant. Après des études scientifiques qu’il mène non loin de Besançon il termine sa licence à Paris chez son oncle, qui exerce dans le milieu médical. Son emploi du temps est simple : science dure à l’école et botanique pour son temps libre. Cette implication lui permet d’intégrer la Société des botanistes de France, en 1861.

Son amour de la plante le fait rapidement voyager, notamment en Allemagne, où il poursuit des recherches sur son sujet de prédilection. Dès son retour en France il est fait professeur à université.

 Il enseigne d’abord à Strasbourg, puis à Nancy. Il emporte avec lui dans ses valises, la société des sciences qu’il transfèrera dans ce nouvel établissement.  Sa relation avec la vigne il va la construire tardivement alors qu’Alexis Millardet a 38 ans. Cet intérêt pour les ceps est assez conjecturel d’ailleurs puisqu’il s’explique par un transfert du professeur de Nancy à l’université de Bordeaux en 1876.

Le moment où Alexis Millardet arrive à Bordeaux n’est pas sans importance. En effet, voilà que depuis deux ans le phylloxera contamine les vignobles de France. Le phylloxera est une maladie de la vigne importée des États-Unis par erreur. Il s’agit d’un champignon qui attache la vigne à la racine et l’empêche de croitre. Alexis Millardet dédiera alors sa carrière de botaniste à la recherche de solutions à ce problème. Il aboutira à deux solutions.

Alexis Millardet, l’inventeur de l’hybridation des vignes

 

Pour pallier ce réel fléau Alexis Millardet va mettre assez rapidement au point un nouveau type de vigne : les hybrides. Son processus novateur consiste en un croisement de deux cépages : l’un issu de France (dont l’espèce est la vitis-vinifera) et l’autre venu d’Amérique (et par conséquent plus résistant aux maladies). Ce processus d’hybridation rend alors les ceps de vignes plus résistant sans pour autant que les vignerons ne fassent une croix sur leurs cépages de prédilection. C’est en ce sens qu’Alexis Millardet est considéré comme le sauveur des vignobles européens.

 Si dans un premier temps cette innovation a permis de remettre à flot le vignoble français, les vignes hybrides ont rapidement été décriées. En effet, elles avaient tendance à produire des raisins en très grande quantité, contrairement aux vitis-viniferas. Comme mentionné dans le précédent article, le raisin produit en trop grande quantité impactait l’image qualitative du vin produit. Dès lors, les vignerons ont rapidement pris la décision de ne plus cultiver les vignes hybrides.

Aujourd’hui, certains domaines hors de l’Europe cultivent encore des plants de vignes hybrides. Sur le territoire Français ces dernières sont interdites. Ainsi, les tendances qui se dégagent ces dernières années est l’usage de greffons. 

L’invention de la bouillie Bordelaise, un traitement incontournable

L’hybridation des vignes est une technique assez radicale en soit. Elle implique l’arrachage des plants existants pour en replanter des nouveaux plus résistants. Face à ce constat, Alexis Millardet a mis au point une seconde technique de traitement de la vigne, moins brusque qui est encore utilisé aujourd’hui : la bouillie bordelaise. 

En réalité, l’invention de ce traitement est le fruit du hasard.

Alors qu’Alexis Millardet animait un cours de botanique dans le Médoc, il remarque que les vignes aux abords du Château Ducru-Beaucaillou sont particulièrement vigoureuse. Il se renseigne auprès des propriétaires du domaine qui lui confie qu’ils pulvérisent un mélange de cuivre et de chaux froide sur les plantations afin de dissuader les voleurs de cueillir les raisins. Impressionné par l’efficacité du traitement dissuasif sur la vigne, Alexis Millardet demande s’il peut étudier ce processus sur le long terme. En compagnie d’un ami chimiste il observera l’impact du mélange sur les vignes sur le vignoble du Château Ducru-Beaucaillou et du Château Dauzac. C’est de cette manière qu’a été créé la bouillie bordelaise.

Ce mélange de sulfate de cuivre, d’eau et de chaux froide est une vraie révolution dans le monde viticole. Car cette préparation pulvérisée sur les feuilles de vignes empêche les maladies de se développer : adieu donc mildiou et autre petite bêtes résistantes. Ce traitement préventif intervient au printemps lorsque la vigne est encore fragile.

La bouillie bordelaise n’est pas uniquement employée par les viticulteurs. Les jardiniers et maraichers en sont adeptes, eux aussi. L’usage de ce traitement est cependant critiqué en raison du cuivre. Des directives européennes ont été prises afin de restreindre l’usage de la bouillie bordelaise. Des substituts sont aujourd’hui recherchés pour remplacer la préparation d’Alexis Millardet.

En conclusion, Alexis Millardet décède à Bordeaux en 1902. Il aura laissé une empreinte conséquente dans l’histoire de la botanique et de la viticulture en particulier. Son portrait met en lumière à la fois le pouvoir de la passion et son impact sur le long terme mais également la puissance de l’observation. C’est une noble science qu’est la botanique et c’est plus noble encore de trouver des moyens de préserver cette richesse naturelle. Ces mots raisonnent d’autant plus aujourd’hui, avec toutes les problématiques viticoles liées au réchauffement climatique. Pensez-donc à lui la prochaine fois que vous lèverez votre verre.

À bientôt pour un nouveau portrait de ces personnes qui ont marqué l’histoire du vin

Victoria / part de l’ange

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